À la Buvette du Marché, j’ai vu des gens hurler pour le foot, s’emporter pour France-Nouvelle Zélande au Rugby.
J’ai vu des gens commander un café et d’autres une planche saucisson/tomme de Savoie.
À la Buvette du Marché, il y a ceux qui terminent la semaine avec un Spritz et d’autres qui préfèrent un Mojito avant de filer au Brise Glace voir Dominique A en concert. Cacahuètes for everyone.
À la Buvette du Marché, j’en connais qui pleurent, lunettes noires et visage fermé parce que cette « histoire est terminée, terminée, comme ça, un texto pour me dire que c’est fini, un texto, pas un coup de fil, un texto, terminée. », comme si même à 50 ans on pouvait avoir rejoint sans autre forme de procès les moyens de communications des adolescents.
À la Buvette du Marché, il y a ceux qui commandent des coupes de champagne et ceux qui cherchent leurs pièces roses pour réussir à payer un café.
À la Buvette du Marché, on raconte que certaines, c’est à dire une + une, se sont mariées et ont choisi d’offrir ici le vin d’honneur. Un vin d’honneur. Un honneur. Célébrer ici un mariage de une avec une en est un.
Parce qu’ici c’est possible.
Parce qu’ici, on est accueilli.
Parce qu’ici, on est toujours accueilli.
Ici on vous attend.
Ici on vous écoute.
Ici on est sourire et entrain.
La Buvette du Marché est un lieu de vie.
Elle en est témoin, cette femme millénaire qui regardait ce café animé depuis sa fenêtre d’en face. Elle n’était pas de la génération du Festival International du Film d’Animation. Son animation à elle c’était la Rue Sainte Claire et ce qu’il s’y passe. La Buvette du Marché et ce qu’il s’y raconte.
De la Rue Sainte Claire, elle avait l’âge. Son visage portait les stigmates des années qui se sont écoulées par centaines.
Pour moi, le café est un rendez vous. Mon salon de lecture. C’est là où je réfléchis. Là où je prête l’oreille. Où j’écris quelques anecdotes. C’est aussi un monde que je garde en secret.
Alors voilà.
J’entends et je lis, ici et là, que la Rue Sainte Claire devient MickeyLand, que les terrasses dérangent, encore et toujours, que les touristes, bientôt tout comme à Venise, Barcelone, Amsterdam et Dubrovnik, ne sont pas les bienvenus.
C’est difficile de vivre ensemble.
Difficile d’habiter centre-ville-au-calme-de-la-campagne.
Difficile de vivre dans une ville magnifique qui attire un monde dingue qui claque un pognon dingue et fait un bruit dingue (vous aimez ce qualificatif ??) lorsqu’on veut juste être tranquille chez soi.
Difficile de concilier l’inconciliable.
Par exemple, moi, je voudrais La Buvette du Marché en bas de chez moi. Mais j’habite un bled, vous pouvez pas imaginer. Pas un café. Rien. Le soir, je n’entends que le ruisseau. Le matin, les oiseaux. À part ça, rien. J’ai fait une pétition. Appelé la Mairie. Organisé une manif. Seule. Avec ma banderole « EN PLUS D’UN RUISSEAU ET DES OISEAUX ON VEUT D’LA VIE ET UN BISTROT !! ». Comme y’a pas un chat dans ce village, personne m’a vu défiler, inutile de chercher dans le Dauphiné, y’avait pas un journaliste. Selon les organisateurs (moi), on était 20000 personnes, selon la police, ben…, y’a même pas de police.
Ma grand mère m’a dit un jour « c’est comme ça, on peut pas tout avoir, faut faire des choix dans la vie ».
Je pourrais prêter ma grand mère à ceux qui veulent être Dieu et régenter la vie et les gens. Mais je crois que ma grand mère mérite d’autres personnes que celles-ci.
Alors la ville, que les choses soient claires, elle est toujours mieux avec des gens, des commerces et des cafés. Sinon, ça s’appelle pas une ville. Même pas un bled. Ça s’appelle pas.